Les actus
La bronchiolite, un danger qui ne concerne pas que les nouveau-nés

La bronchiolite, un danger qui ne concerne pas que les nouveau-nés

Les personnes âgées doivent, elles aussi, se protéger contre le VRS, acronyme de virus respiratoire syncytial. Il s’agit du virus de la bronchiolite, qui circule en France de novembre à mars. On vous dit tout sur ce virus hivernal majoritairement à l’origine des bronchiolites et des pneumonies, et l’une des premières causes d’hospitalisation et de décès chez les jeunes enfants. 

On connaît la grippe, mais moins le virus qui en est responsable : le virus influenza, A et B. On connaît également la bronchiolite du nourrisson, mais très rarement l’agent qui en est la cause : le VRS. Trois lettres pour désigner le virus respiratoire syncytial. Ce dernier peut s’avérer dangereux pour les nourrissons, chez lesquels il est susceptible de provoquer des détresses respiratoires aiguës du fait d’une importante inflammation de la paroi des bronches et des alvéoles.

Du point de vue virologique, il s’agit d’un virus à ARN classé parmi les pneumovirus avec deux sérotypes, le A et le B. Le VRS est très contagieux et se transmet par la salive, les éternuements, la toux, les mains ainsi que les objets souillés (les jouets, les tétines, les « doudous »). La quasi-totalité des enfants ont été infectés par le VRS avant l’âge de 2 ans. Les épidémies apparaissent chaque année en hiver ou au début du printemps dans les climats tempérés. 

La réalité de l’impact du VRS

Le VRS est le virus prédominant associé aux infections aiguës des voies respiratoires basses chez les enfants de moins de 5 ans. En 2019, 12,9 millions de cas d’infections des voies respiratoires inférieures à VRS ont été comptabilisées,  2,2 millions d’hospitalisations pour ce motif, et 63 300 décès estimés (1) dans 58 pays. 50%-80% des cas hospitalisés pour bronchiolite aux Etats-Unis sont VRS-positifs (2). En moyenne, la bronchiolite aiguë causée par le VRS a représenté presque 10 % du total des hospitalisations de nourrissons entre janvier 2009 et décembre 2019. Malgré de grandes variations entre les pays, une forte proportion des hospitalisations pour infection aiguë des voies respiratoires inférieures associées au VRS concernaient des nourrissons âgés de moins d’un an dans tous les pays.

VRS. Que disent les données françaises ?
Le virus respiratoire syncytial (VRS) est la principale cause d’hospitalisation des nourrissons et des enfants. L’objectif d’une étude française était d’estimer les hospitalisations associées au VRS chez les jeunes enfants en France et le fardeau économique que cela représente, afin d’éclairer les futures stratégies de prévention. Une analyse rétrospective des données d’hospitalisations associées au VRS issues de la base de données des hôpitaux de France (PMSI-MCO) a été conduite. Tous les enfants âgés de moins de 5 ans hospitalisés de 2010 à 2018 ont été inclus. En moyenne, 50 878 hospitalisations associées au VRS par saison ont été signalées en France, dont 69 % chez les enfants de moins de 1 an. Cela représentait 28 % des hospitalisations toutes causes confondues chez les enfants de moins de 1 an, et moins de 10 % des hospitalisations toutes causes confondues chez les enfants plus âgés.
 
Demont C, Petrica N, Bardoulat I, et al. Economic and disease burden of RSV-associated hospitalizations in young children in France, from 2010 through 2018. BMC Infect Dis. 2021 Aug 2;21(1):730

Un virus dangereux, surtout au cours des 6 premiers mois de la vie

D’après un examen systématique des données internationales (3), chez les nourrissons de moins de 6 mois on estime que 1,4 million d’hospitalisations et 27 300 décès à l’hôpital ont été attribués à une infection des voies respiratoires inférieures par le VRS (chiffres 2015). « Mais tous les nourrissons ne développent pas des formes graves de bronchiolite, nuance le Pr Camille Taillé (Service de pneumologie ; Centre de référence des maladies pulmonaires rares, Hôpital Bichat, Paris). Les facteurs de risque de forme grave sont bien connus : l’âge de moins de 6 mois, la prématurité, des comorbidités (neurovasculaires, cardiovasculaires, respiratoires…), des antécédents de séjour en unité néonatale de soins intensifs à la naissance, un niveau socio-économique bas et une exposition tabagique. »

Si le bilan inquiétant du VRS chez les populations vulnérables, notamment les enfants et les personnes âgées, est un sujet de préoccupation de longue date en médecine, le grand public semble le découvrir, au moment où l’actualité se fait l’écho de nouvelles approches préventives, dont des biothérapies pour protéger les nouveau-nés les plus à risque (voire peut-être bientôt l’ensemble des bébés), ou encore de nouveaux vaccins en cours de développement mais déjà très aboutis.

Plusieurs vaccins en phase finale d’expérimentation

Plusieurs types de vaccins sont en phase III d’essai clinique, c’est-à-dire au stade final d’expérimentation. En août dernier, puis à la mi-octobre 2022, deux laboratoires ont publié des données internationales, à très large échelle, sur des vaccins injectés soit chez les seniors, soit chez les tout-petits. Un autre vaccin, utilisant la technique de l’ARN messager, a obtenu des résultats très intéressants avec une efficacité de 83,7 % en janvier 2023, précisément contre les infections à VRS chez les plus de 60 ans (4), et sans signes d’alarme quant à la tolérance. Tous ces candidats vaccins font état d’une efficacité remarquable contre les maladies graves des voies respiratoires inférieures associées au VRS. « Les vaccins anti-VRS sont une priorité pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les populations d’âge extrême » (les plus jeunes et les plus âgés), résume le Pr Claire Andrejak (service de pneumologie, CHRU de Lille).

Bientôt un traitement préventif des infections à VRS chez les nourrissons

Aujourd’hui, il n’existe qu’un traitement préventif (« en prophylaxie ») de la bronchiolite, « très contraignant (injections répétées avec des volumes qui vont crescendo, corrélés au poids de l’enfant) et administré uniquement aux bébés les plus fragiles, principalement les grands prématurés, explique le Pr Ralph Epaud, pneumopédiatre (CHI Créteil). Il s’agit du palivizumab, un « anticorps monoclonal » anti-VRS à l’action immédiate ».

Très récemment, une avancée parmi les plus importantes en termes de santé publique et de lutte contre le VRS depuis plusieurs dizaines d’années a fait parler d’elle : un nouvel anticorps à longue durée d’action, le nirsevimab vient d’obtenir l’AMM Nirsevimab a été conçu pour protéger tous les nourrissons contre les infections par le VRS, de la naissance jusqu’à leur première saison où circule le virus), au moyen d’une seule dose. Il ne s’agit pas d’un vaccin, puisqu’il ne fonctionne pas en activant le système immunitaire et qu’il confère une protection directe contre les infections.

Le nirsevimab est un anticorps à action prolongée administré en une seule injection intramusculaire. « Disposant depuis novembre 2022 d’une autorisation de mise sur le marché européenne en tant que traitement préventif des infections par le VRS chez le nourrisson (5), il n’est pas encore commercialisé, précise le Pr Ralph Epaud. Une étude pragmatique en vie réelle qui vise à évaluer nirsevimab dans 3 pays France, Allemagne et UK  est en cours (l’étude HARMONIE). La Food and Drug Administration (FDA) américaine avait déjà accordé au nirsevimab la désignation de « thérapie révolutionnaire » en février 2019. Les résultats de l’essai clinique MELODY de phase III (6) ont montré une réduction de 74,5 % de l’incidence des infections des voies respiratoires inférieures associées au VRS ayant fait l’objet d’un suivi médical chez les patients recevant le nirsevimab par rapport au placebo. D’autres résultats ont mis en évidence que le nirsevimab présentait un profil de sécurité et de tolérance satisfaisant, similaire à celui du placebo (7).

Ce nouveau traitement préventif est attendu potentiellement pour la saison 2023/2024, et constitue un réel espoir alors que les services d’urgences pédiatriques et de pédiatrie sont saturés chaque année en hiver par un afflux de nourrissons infectés par le virus.

Les infections à VRS associées à la survenue d’un asthme ultérieur
Le rôle des infections virales, notamment du virus syncitial respiratoire (VRS) et du rhinovirus (RV), couramment appelé le virus du rhume, vis-à-vis des exacerbations d’asthme est bien établi. En effet, les personnes asthmatiques, comme celles souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive, sont vulnérables par rapport à certaines infections respiratoires virales, notamment la grippe et le rhinovirus, qui sont capables d’induire des exacerbations de BPCO et d’asthme. Mais qu’en est-il de la responsabilité du VRS dans la survenue de l’asthme ? Cette question – savoir si les maladies virales causent réellement de l’asthme – a fait l’objet d’intenses débats. Cependant, les études s’accumulent et convergent pour montrer que les infections à VRS ou RV sont associées au risque de survenue d’un asthme ultérieur. « Il y a bien une association entre la survenue d’une infection par VRS ou RV dans la petite enfance et le développement de symptômes d’asthme, indique le Pr Camille Taillé (Service de pneumologie ; Centre de référence des maladies pulmonaires rares, Hôpital Bichat, Paris), mais pour développer un asthme, il ne suffit probablement pas d’avoir rencontré le virus très jeune ou d’avoir fait une forme sévère. En effet, des polymorphismes génétiques (différentes formes d’un même gène), une dysfonction du système immunitaire ou une atopie préexistante (un terrain favorisant) sont également associés au risque d’asthme. » Et à l’âge adulte ? Très peu d’études explorent le phénomène sur le long terme. Une publication scientifique assez ancienne avait constaté une plus grande proportion d’asthmatiques adultes chez des individus ayant eu une bronchiolite hospitalisée dans la petite enfance, ainsi qu’une fonction respiratoire plus altérée. Une étude publiée en 2023 (8) va dans le même sens. Les auteurs ont évalué la distension thoracique par scanner à l’âge de 26 ans chez 39 sujets, et ont constaté que les participants ayant eu une infection à VRS dans l’enfance présentaient une augmentation du piégeage d’air, ce qui témoigne d’une modification des voies aériennes, peut-être liée à un effet direct des virus sur le développement pulmonaire.

Les infections respiratoires précoces grèvent le capital souffle

Un capital souffle amputé dès la naissance ? Le Pr Camille Taillé l’assure : « Une infection sévère par le VRS dans la petite enfance peut entraîner des modifications du développement pulmonaire, surtout si cela survient très tôt dans la vie. Dès le plus jeune âge, ces enfants ont un capital souffle amputé, une croissance pulmonaire non optimale, et un déclin précoce de la fonction pulmonaire. Si des facteurs de risque s’ajoutent, comme le tabagisme, cela accroît le handicap et l’altération de la fonction respiratoire. »

D’autres données sur le lien entre fonction respiratoire et BPCO à l’âge adulte proviennent de l’étude européenne ECRHS (European Community Respiratory Health Survey), laquelle a estimé le risque d’avoir une BPCO (de stade 2 GOLD) en fonction du nombre de « désavantages » dans l’enfance : asthme maternel et paternel, asthme dans l’enfance, infection respiratoire sévère dans l’enfance ou tabagisme chez la mère.

Le VRS, un virus dangereux aussi chez les seniors

La problématique des infections par le VRS ne se cantonne pas aux tout-petits, mais s’étend aux seniors et aux personnes immunodéprimées. Le virus respiratoire syncytial est une cause de maladie de plus en plus reconnue chez les adultes. Pour le Pr Ralph Epaud, « chez l’adulte, le VRS est en cause dans l’asthme mais également dans la BPCO avec le risque d’exacerbation (cf. les infections à VRS associées à la survenue d’un asthme ultérieur). Le nombre d’hospitalisations et les taux de mortalité sont similaires entre le VRS et le virus influenza. ». Pour autant, « la surveillance en France pour le VRS n’est pas optimisée, regrette le Pr Astrid Vabret (Chef de service de virologie, CHU de Caen Normandie), avec un manque de données chez les populations adultes seniors malgré un impact significatif bien identifié dans cette population. » Mais l’entreprise n’est pas si simple. En effet, contrairement aux bronchiolites de l’enfant, les bronchiolites de l’adulte ont une présentation clinique polymorphe, et leurs causes (étiologies) ou leurs contextes d’apparition sont multiples. Les symptômes sont dominés par la toux et la dyspnée, de développement progressif sur plusieurs semaines.

« Les réinfections sont très fréquentes tout au long de la vie, souligne le Pr Claire Andrejak, de l’ordre de 5 à 10 % par an chez l’adulte. Les symptômes du VRS restent la plupart du temps bénins chez l’adulte, mais chez les personnes âgées et/ou immunodéprimées et/ou souffrant de comorbidités, ce virus peut être responsable de pneumonies nécessitant une hospitalisation, d’exacerbations infectieuses chez les patients BPCO, asthmatiques, et de manière générale chez toute personne ayant une pathologie respiratoire. »

L’infection par le VRS est une maladie à prendre au sérieux chez les personnes âgées et les adultes à haut risque, comme ceux ayant des maladies associées, dont les maladies respiratoires chroniques ou cardiovasculaires (comorbidités). Elle a des conséquences sur la santé (morbidité) similaires à celles de la grippe A (9) et ce, même parmi une population fortement vaccinée contre la grippe. Précisément, l’infection par le VRS se développe chaque année chez 3 à 7 % des patients âgés en bonne santé et chez 4 à 10 % des adultes à haut risque (10). L’infection par le VRS et la grippe A ont entraîné des durées de séjour, des taux d’utilisation des soins intensifs (15 % et 12 %, respectivement) et une mortalité (8 % et 7 %, respectivement) similaires. L’infection par le VRS représentait 10,6 % des hospitalisations pour pneumonie, 11,4 % pour la bronchopneumopathie chronique obstructive, 5,4 % pour l’insuffisance cardiaque congestive et 7,2 % pour l’asthme.

D’où le fort intérêt que représenterait un vaccin efficace contre le VRS pour protéger les adultes vulnérables. Une publication scientifique du 16 février dernier confirme l’importante efficacité de l’un des candidats vaccins contre l’infection des voies respiratoires inférieures à VRS chez les adultes âgés de 60 ans et plus, avec un profil de sécurité (d’innocuité) favorable. De plus, une efficacité du vaccin a été observée chez les participants à risque présentant des comorbidités.

Sous réserve des décisions réglementaires aux États-Unis, dans l’Union européenne notamment, le laboratoire se dit même en mesure de le mettre à disposition dès 2023 (11).

En attendant, quelles précautions ?

Les gestes barrières sont souvent bien expliqués aux parents d’un nouveau-né, mais pourraient être appliqués de la même façon auprès des grands-parents, a fortiori si ce sont des personnes fragiles (immunodéprimées, avec des maladies chroniques) et/ou âgées :

  • se laver les mains avant de les rencontrer (30 secondes, avec de l’eau et du savon ou en utilisant une solution hydroalcoolique),
  • éviter de prendre un repas avec eux et porter un masque en leur présence lorsqu’on est soi-même enrhumé ;
  • et enfin aérer souvent la pièce.

Hélène Joubert

Références :

(1) Li Y, Johnson EK, Shi T et al. National burden estimates of hospitalisations for acute lower respiratory infections due to respiratory syncytial virus in young children in 2019 among 58 countries: a modelling study. Published:September 21, 2020DOI:VOLUME 9, ISSUE 2, P175-185, FEBRUARY 2021

(2) Meissner HC. Viral Bronchiolitis in Children. N Engl J Med. 2016 Jan 7;374(1):62-72. 

 (3) Li Y, Wang X, Dianna M Blau D M et al. Lancet 2022; 399: 2047–64 Global, regional, and national disease burden estimates of acute lower respiratory infections due to respiratory syncytial virus in children younger than 5 years in 2019:
a systematic analysis

(4) Moderna announces mRNA-1345, an investigational respiratory syncytial virus (rsv) vaccine, has met primary efficacy endpoints in phase 3 trial in older adults. Communiqué Moderna. 17 janvier 2023

(5) Communiqué HAS. Covid-19 : la HAS intègre les vaccins bivalents dans la stratégie de vaccination pour l’automne. 20 septembre 2022

(6) Hammitt LL, MD et al. Nirsevimab for Prevention of RSV in Healthy Late -Preterm and Term Infants. N Engl J Med. 2022;386 (9): 837-846. doi: 10.1056/NEJMoa2110275.

(7) Hammitt LL, Dagan R, Yuan Y, et al ; MELODY Study Group. Nirsevimab for Prevention of RSV in Healthy Late-Preterm and Term Infants. N Engl J Med. 2022 Mar 3;386(9):837-846. 

(8) Polverino F, Stern DA, Snyder EM, et al. Lower respiratory illnesses in childhood are associated with the presence of air trapping in early adulthood. Respir Med. 2023 Jan;206:107062. 

(9) Polverino F, Stern DA, Snyder EM, et al. Lower respiratory illnesses in childhood are associated with the presence of air trapping in early adulthood. Respir Med. 2023 Jan;206:107062. 

(10) Falsey AR, Hennessey PA, Formica MA, et al. Respiratory syncytial virus infection in elderly and high-risk adults. N Engl J Med. 2005 Apr 28;352(17):1749-59. 

(11) Alberto Papi A,  Ison M G, Langley J M et al. Respiratory Syncytial Virus Prefusion F Protein Vaccine in Older Adults N Engl J Med 2023; 388:595-608

Cet article n’a pas répondu à ma question, pourquoi ?

Dans le but de vous informer au mieux dites-nous …

Merci pour votre message !