Témoignages

Joueur de tennis classé et… BPCO

Témoignage de Jeremy Fraise, 39 ans

L’on peut être atteint de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) à un stade modéré et ressentir une détresse respiratoire difficilement supportable. C’est le vécu de Jérémy Fraise. Il vient de souffler ses 39 bougies.

Quand avez-vous ressenti les premières difficultés respiratoires ?

JF : Le diagnostic de BPCO a été posé fin 2014, à l’âge de 35 ans. Mais dès 30 ans, les premières gênes, insidieuses, étaient bel et bien présentes. Fatigue, toux chronique, douleurs passagères, sensations de brûlures… étaient mises sur le compte d’infections grippales. D’authentiques exacerbations, en réalité. J’avais le souffle court le matin. Ouvrir les fenêtres était impératif. Puis tout rentrait dans l’ordre au cours de la journée. Ce que je ressentais était cependant difficile à objectiver au moyen d’épreuves fonctionnelles respiratoires. Dès 2012-2013, j’ai consulté deux pneumologues qui ont trop vite balayé d’un revers de la main la possibilité d’une BPCO à un âge si précoce et ce, malgré un débit expiratoire de pointe (vitesse maximale du souffle lors d’une expiration forcée) amputé de 25%. Aucun suivi médical n’est enclenché. Averti par les pneumologues, j’aurais immédiatement dû cesser de fumer pour m’épargner deux ans d’exacerbations et un peu de capacité respiratoire. Mais la mise en garde n’était pas suffisamment alarmante.

D’où est alors venu l’avertissement ?

Une exacerbation, même chez moi dont la BPCO n’est « que » de stade 2, me donne l’impression de respirer au travers d’une paille. Je savais, de façon plus ou moins consciente, que ce qui m’arrivait tous les trois à quatre mois depuis deux à trois ans était tout sauf normal.

Il faut écouter son corps. Je pense que chacun a les moyens de savoir qu’il décline sur le plan physique. Même allongé sur mon lit, à 30 ans, je ne me sentais pas bien, avec même une tendance à la panique du fait de mon caractère anxieux. Cette sensibilité exacerbée m’a rendu service.

Comment s’est passé l’après-diagnostic ?

Quel soulagement lorsque quelques années après, à 35 ans, le diagnostic de BPCO est enfin posé : je n’étais pas fou. Puis le côté irréversible et inéluctable de la maladie que l’on peut lire un peu partout m’a obsédé. J’ai sombré dans la dépression avant de me relever grâce à l’aide de mon entourage. De brefs arrêts de travail se sont succédés. Deux ans passés sous médicaments antidépresseurs. Les belles années étaient derrière moi. On salue souvent mon énergie. J’ai pourtant « explosé en plein vol ». Une vie sociale interrompue. J’ai été traité pour ma BPCO, mais le pneumologue trouvait le handicap ressenti au quotidien disproportionné comparé à la réalité de l’obstruction bronchique. Une cigarette et mes poumons me semblaient une plaie béante. L’inquiétude et une hypersensibilité personnelle décuplaient ces sensations d’étouffement. Suivi par une psychologue, une sophrologue…j’avais pourtant l’impression d’être loin du cœur du problème. J’ai réalisé que mon avenir respiratoire était entre mes propres mains.

Quelle a été votre « reprise en main » ?

La maladie m’a donné l’impulsion de changer de vie. C’est le bon côté de l’histoire. J’ai quitté Paris pour la nature dans le département de l’Hérault, une décision mûrie et prise avant même le diagnostic. En effet, dès 30 ans, j’ai eu une sensation d’enfermement dans la ville, probablement influencée progressivement par mes problèmes de souffle.

J’ai moi-même décidé de corriger mon hygiène de vie. Terminées ces quinze années de tabagisme assis derrière un ordinateur à Paris. Vivre dans un poumon de verdure me le permet désormais.

Grâce à la reprise du sport, j’ai récupéré 10 à 15% de débit respiratoire. Je continue à ressentir quelques reliquats de la maladie, surtout en hiver et au printemps, en cas de fatigue, mais il y a des jours où elle n’existe quasiment plus et je me sens alors guéri. Aujourd’hui, les exacerbations sont moins fréquentes et plus brèves. Ce qui ne m’a pas empêché de me casser quatre côtes en toussant lors de la dernière, au mois de février.

En quoi consiste votre programme sportif ?

Celui-ci est chargé, à la fois source de plaisir et réhabilitation respiratoire et physique. J’ai pris 10kg… de muscle ! Je joue au tennis deux à trois fois par semaine au sein d’un club, au tennis de table chaque lundi et je pars pour de longues sorties en VTT deux à trois fois par mois.

Au début, je grimpais péniblement deux virages d’une route en lacet chaque midi. Après six mois d’une discipline presque militaire, j’ai pu « prendre la roue » de cyclistes avertis. Sur le vélo, vous êtes votre seul adversaire.

Depuis un an, j’ai repris le tennis, après vingt ans de sédentarité. J’ai mis un pied dans le monde de la compétition. Les succès, les tournois remportés sonnent comme des victoires sur la maladie. Au début, j’avertissais les gens de mon handicap. Puis j’ai réalisé que la « bronchite chronique » avait « bon dos ». La reprise en main, c’est aussi s’auto-évaluer, ne pas se trouver d’excuse, se battre. Et parfois l’on gagne. Damer le pion à un tennisman de 19 ans en cursus sport-études alors que l’on est malade BPCO de 39 ans est une grande satisfaction.

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.