Le ministre de la Santé et de la Prévention et la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques ont décidé fin 2022 de lancer une mission conjointe pour accélérer le déploiement du sport-santé au sein de la population générale, et inciter les professionnels de santé à promouvoir une activité physique adaptée aux besoins et contraintes des patients qui présentent des maladies chroniques. L’objectif est de contribuer à une véritable culture de la prévention partout en France, notamment en capitalisant sur la perspective de préparation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Votre objectif est donc de rendre la France active et sportive ?
Oui, mais la France n’est pas culturellement un pays très axé sur le sport. Bien que nous obtenions des résultats sportifs corrects, la population en général n’est ni très active ni très sportive. Notre objectif est de sensibiliser les Français pour que chacun intègre davantage d’activité dans sa vie quotidienne, que ce soit à travers ses déplacements ou simplement en étant plus actif. Contrairement aux nations scandinaves, anglo-saxonnes ou germaniques, où les mentalités et l’organisation de la société encouragent un mode de vie plus actif, nous observons en France une diminution du mouvement, avec à la clé des risques liés à la sédentarité et au manque d’activité physique, et des conséquences sociétales à moyen et à long terme très préoccupantes.
Notre objectif est de réengager les Français dans le mouvement, en particulier notre jeunesse. Si nous n’y prêtons pas attention, celle-ci risque de développer des maladies à l’âge adulte. Déjà, nous constatons la survenue chez les jeunes adultes de maladies qui se rencontraient auparavant à des âges plus avancés – typiquement l’infarctus du myocarde, dont l’âge de survenue tend à baisser. Il est impératif de prendre conscience de cette situation.
Quelles sont les propositions auxquelles votre groupe de réflexion tient particulièrement ?
Une de nos propositions concerne la formation des médecins et des professionnels de santé en général – en formation initiale et continue – sur le sport-santé, à ce jour insuffisante. Cette formation porterait non seulement sur la manière de le prescrire, mais déjà sur la reconnaissance de l’utilité de l’activité physique. En effet, de nombreux médecins ne sont pas encore convaincus qu’il s’agit d’une véritable thérapie non médicamenteuse, en dépit de la littérature scientifique incontestable et consistante. Par conséquent, peu de confrères la prescrivent systématiquement. Il serait essentiel d’intégrer des modules sur l’impact sur la santé de l’activité physique lors des examens de 6e année des études de médecine, et d’encourager les programmes de formation continue dédiés. Nous tentons d’en discuter avec le ministère de l’Enseignement supérieur et la Conférence des doyens des facultés de médecine, mais nous ne savons pas quelles décisions seront prises.
Selon vous, le déploiement de l’activité physique adaptée (APA) passera-t-il par sa prise en charge par l’Assurance-maladie ?
Notre mission consiste à formuler des propositions, dans le domaine de la prévention primaire, secondaire et tertiaire, en particulier en matière d’activité physique adaptée (APA). L’activité physique et sportive permet en effet de prévenir les pathologies cardiovasculaires, pulmonaires, cancéreuses et mentales, le diabète et l’obésité, en diminuant les complications et les risques de récidives tout en améliorant la qualité de vie.
Bien que l’espérance de vie en France soit élevée, en revanche, en ce qui concerne l’espérance de vie en bonne santé, nous sommes en retard par rapport à des pays comme la Norvège et la Suède. Dans ces pays, les gens vivent 7 à 8 ans de plus en bonne santé que nous. Il ne s’agit pas seulement de vivre plus longtemps, mais de vieillir en bonne santé. L’activité physique et sportive permet le « bien vieillir ». Et je suis convaincu que la prise en charge par l’Assurance-maladie de l’activité physique adaptée, dans le cadre d’un parcours bien défini, fondé sur les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), permettra non seulement de réduire les inégalités territoriales financières et d’accessibilité au sport-santé, mais incitera également les médecins à prescrire de l’APA à visée thérapeutique, et facilitera la sensibilisation de la population.
Quelle autre proposition vous tient à cœur ?
Concernant l’APA, il s’agit d’une approche à visée « thérapeutique », mais nous souhaitons également formuler des recommandations spécifiques pour notre jeunesse dans le cadre de la prévention primaire, en particulier une évaluation systématique de la condition physique des élèves à partir de l’école primaire. Nous travaillons avec un groupe d’experts afin de définir quels tests seraient pertinents, et d’imaginer la manière d’exploiter les résultats de ces tests.
Nous plaidons en faveur de la reconnaissance du sport, de l’activité physique et sportive en général, en tant que discipline fondamentale au même titre que le français ou les mathématiques, ce qui permettrait de proposer des cours de rattrapage d’activité physique et sportive aux élèves en difficulté. Cela nécessite une information, une sensibilisation et une formation du personnel éducatif.
Des initiatives existent, comme celle des « 30 minutes d’activité physique quotidienne » dans les écoles* mais qui se développent très progressivement. Nous pourrions envisager d’importer le dispositif « Daily Mile », originaire de Grande-Bretagne, une démarche positive mise en place par une fondation et qui essaime dans plusieurs pays. Une enseignante écossaise avait observé que ses élèves étaient quelque peu dissipés et perturbés au début de la journée. Elle a donc instauré une routine où elle les faisait marcher ou courir chaque jour. Elle a constaté que les élèves étaient ensuite plus attentifs et concentrés en classe, avec une amélioration de leur capacité d’apprentissage. Cette approche a été mise en œuvre dans de nombreux pays, mais elle a du mal à prendre de l’ampleur en France. Il s’agit d’une alternative ou d’un complément envisageable aux « 30 minutes d’activité physique quotidienne ». Cette activité peut être intégrée au début de la journée, lors des pauses ou des récréations, sans nécessiter de changement vestimentaire pour les enfants. Nous en sommes arrivés à un point où il est impératif de remettre les enfants en mouvement au quotidien.
* L’Éducation nationale s’est engagée, en collaboration avec Paris 2024 et le mouvement sportif, à ce que chaque élève bénéficie d’au moins 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école primaire.
Le livre des interventions 16es Rencontres : retour au sommaire