Géraldine Leroux, 65 ans, vit avec une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) depuis plus de dix ans. Diagnostiquée en 2014, elle se rend compte qu’elle ressentait déjà les signes plusieurs années auparavant, au début de la cinquantaine. Très sportive et active professionnellement, elle minimisait sa fatigue et son essoufflement, et son médecin les attribuait à la fatigue passagère ou à un retour de vacances. Elle se souvient d’un voyage au Pérou, où l’altitude avait amplifié son essoufflement et sa fatigue, symptômes qui, rétrospectivement, reflétaient déjà sa maladie.
Géraldine est patiente experte BPCO, asthme et emphysème, depuis 2024 et référente locale pour Santé respiratoire France dans les Hauts-de-France. Lorsqu’on lui a diagnostiqué la BPCO, elle connaissait la maladie « de l’extérieur », par l’expérience de son père, « en fauteuil roulant et sous oxygène », mais ignorait ce qu’elle impliquait au quotidien.
Elle aurait « souhaité, à ce moment-là, recevoir des explications concrètes pour apprendre à vivre avec, et des clés pour adapter la maladie à son mode de vie. » C’est pourquoi, aujourd’hui, elle transmet ces informations aux patients, notamment en réadaptation respiratoire en insistant sur trois points essentiels qui entrent dans le champ de la prévention tertiaire : « arrêter de fumer, ne pas s’isoler et pratiquer une activité physique régulière », trois points qu’elle considère comme le « premier médicament » pour mieux gérer la maladie.
« Lorsqu’on m’a annoncé le diagnostic, se souvient Géraldine Leroux, je suis restée figée sur le terme BPCO, n’ayant pas entendu les explications complémentaires qui ont pu être données ensuite. C’est pourquoi, à mon sens, l’annonce devrait être suivie rapidement d’une consultation dédiée, où la maladie serait expliquée en profondeur, et où l’on ferait réellement prendre conscience aux personnes nouvellement diagnostiquées de l’importance de l’activité physique et de l’hygiène de vie en général. »
Géraldine était une personne sportive qui s’est trouvée progressivement limitée dans ses déplacements : « escalier ou marche deviennent difficiles, et il est naturel d’éviter ce qui est pénible sans accompagnement adapté. L’on choisit systématiquement le chemin le plus facile pour éviter l’effort. Or, la facilité déclenche une spirale de déconditionnement : moins on bouge, moins on est capable de bouger. »
Géraldine Leroux a écrit une « Lettre à mes poumons » pour exprimer son ressenti face à la maladie, guidée par une art-thérapeute. « L’essentiel est le besoin de dompter la maladie pour vivre mieux avec elle. Il faut l’accepter, prendre conscience qu’elle est présente 24 heures sur 24, et mettre tout en œuvre pour qu’elle n’empêche pas de vivre pleinement. Connaître la maladie, l’accepter, et agir pour optimiser son quotidien. »
Beaucoup de patients ignorent leur maladie ou préfèrent ne pas la nommer. Ils évoquent surtout leurs symptômes – essoufflement, fatigue, difficultés à se déplacer – et l’impact sur leur quotidien et leur travail, mais rarement le terme « BPCO » ou « fibrose pulmonaire ». « Cette absence de dénomination reflète à la fois méconnaissance et refus d’affronter la réalité, décèle Géraldine. L’arrêt du travail accentue l’isolement et les difficultés financières, renforçant le sentiment de perte d’identité. L’accompagnement doit aider à comprendre la maladie, à lui donner un nom et à trouver des stratégies pour rester actif et préserver sa vie sociale et professionnelle malgré elle. Pour mieux vivre avec la maladie chronique et limiter son aggravation, l’activité physique adaptée doit être accessible à tous, à l’image de cours gratuits et faciles à suivre, presque comme une étape obligatoire après la réadaptation. Dans certains centres, comme le centre hospitalier de Béthune, des conventions permettent aux patients de pratiquer une fois par semaine dans les locaux de réadaptation
respiratoire, mais il reste essentiel que chacun s’implique. »
La motivation passe par l’exemple et le soutien. Géraldine raconte comment, lors de sa réadaptation, elle a réussi à courir vingt minutes sur un tapis, un exploit qui l’a émue aux larmes. Mais la reprise en extérieur a été plus difficile : le vent, le soleil et la fatigue réelle rendaient l’effort plus lourd que prévu. « Beaucoup de patients ont des moyens limités et les abonnements en club sportifs restent souvent trop chers, ce qui freine leur participation, regrette-t-elle. Ces « tremplins » après la réadaptation offrent une chance de continuer à bouger, de préserver son autonomie et de mieux gérer la maladie, à condition que le soutien financier et logistique soit assuré. » Elles restent souvent des initiatives locales.
Se retrouver pour ne pas s’isoler
En dehors de l’activité physique, les patients ont besoin de rencontres et d’échanges qui ne soient pas uniquement centrés sur le médical. Géraldine Leroux évoque des moments comme les « Respikawa », qu’elle organise sous l’égide de l’association Santé respiratoire France : « des réunions conviviales où l’on partage un moment autour d’un café, et où l’on peut parler ou simplement écouter. Ces rencontres permettent aux personnes malades, à leurs proches et à leurs aidants de se retrouver, d’échanger et de s’exprimer librement, sans pression, tout en créant du lien et en soutenant le bien-être général. Les patients ont besoin d’un lieu pour se rencontrer, en dehors de l’hôpital, qui offre un cadre chaleureux et convivial. À Béthune, par exemple, la maison des usagers met ses locaux à notre disposition, ce qui permet un véritable espace de cocooning. Ces rencontres répondent à plusieurs besoins : comprendre la maladie, poser des questions, partager son expérience et se sentir moins isolé ». « Beaucoup de patients reçoivent peu d’explications détaillées de la part des médecins, ajoute-t-elle, ce qui laisse un vide que ces rencontres permettent de combler. »
Pour motiver les patients, il faut donc un lieu de rassemblement accessible, prendre en compte le transport, mais aussi parfois surmonter la peur de se retrouver face à d’autres personnes atteintes de la même maladie. Certains préfèrent oublier leur pathologie plutôt que de côtoyer ceux qui souffrent aussi. Enthousiaste, pour attirer le public concerné, Géraldine projette de développer des thématiques concrètes, comme la vie affective, les voyages, la gestion de l’altitude et de l’humidité, les techniques de relaxation et de bien-être à pratiquer chez soi…