Quasiment inconnue en 2010, la e-cigarette est devenue le substitut nicotinique quotidien de près de deux millions de fumeurs en 2015. Plusieurs années après son apparition, sa technologie s’est perfectionnée, la réglementation a tenté de suivre et les scientifiques en savent un peu plus sur son impact sanitaire. Du moins à court terme. Trois questions au Pr Thierry Urban, pneumologue au CHU d’Angers* sur la e-cigarette en 2017.
La 3ème génération de cigarettes électroniques est déjà sur le marché. Qu’apporte cette technologie ?
Pr T. Urban : La cigarette électronique nouvelle génération est plus performante en termes de délivrance de nicotine. Avec la cigarette classique, la nicotine atteint le cerveau en une dizaine de secondes à peine. Avec les gommes, patchs ou sprays nasals, la nicotine y parvient plus tardivement, sans pic nicotinique comparable. Entre les deux, la e-cigarette 3ème génération permet des pics de nicotinémie se rapprochant de ceux de la cigarette de tabac, même si ce pic est plus tardif. C’est pourquoi le “vapoteur” doit inhaler plus souvent sa nicotine pour obtenir une concentration et des pics se rapprochant de ceux observés avec des bouffées de tabac. Or, c’est cette délivrance rapide de la nicotine qui est recherchée par le fumeur. C’est donc un bon point pour la e-cigarette lorsqu’elle est vue comme un moyen de sevrage. En effet, les gommes et patchs diffusent la nicotine en continu et ne peuvent combler les envies intermittentes et immédiates de nicotine. Associer ces substituts nicotiniques entre eux peut s’avérer judicieux. Sans oublier la varénicline (dédouanée par les études scientifiques d’un potentiel sur-risque de dépression) et les thérapies comportementales.
Quid des recherches sur la toxicité de la e-cigarette en 2017 ?
Pr T. Urban : Tout d’abord, attention à privilégier les e-cigarettes répondant aux normes Afnor 2015-2016 relatives à la sécurité des dispositifs.
Ensuite, dans la vapeur de la e-cigarette ont été retrouvés des produits pour certains toxiques sous forme de traces (aldéhydes, formaldéhyde, acétaldéhyde, acroléine, etc.). Sauf que les quantités sont 10 à 100 fois moindres comparé à la fumée de tabac. De plus, de nombreuses substances comme le monoxyde de carbone (cause d’infarctus) ou les goudrons (causes de cancers), toxiques produits par la combustion du tabac n’existent pas dans la e-cigarette qui utilise uniquement le chauffage. Aucune toxicité à court terme non plus avec propylène glycol, à la température de 60 degrés. Pour le glycérol, le seuil de toxicité est même porté à 250 degrés.
En usage normal, à court et moyen terme, la toxicité de la e-cigarette vis-à-vis du risque de cancer paraît nul. En revanche, les conséquences du vapotage à très long terme restent inconnues. La nicotine elle-même est très peu toxique. Il n’y a aucune preuve d’un effet potentiellement promoteur de cancérogenèse à long terme avec la nicotine inhalée. Le fait de vapoter ne semble pas modifier la fonction bronchique mais les données manquent sur son impact sur la muqueuse alvéolaire des bronches à long terme. Prudence.
Avec un peu de recul, la cigarette électronique est-elle un outil de sevrage tabagique, utile notamment pour les personnes BPCO ?
Pr T. Urban : Pour les fumeurs, souffrant de BPCO ou non, ralentir sans la stopper leur consommation de cigarettes sous prétexte qu’ils vapotent ne réduit significativement ni le risque de cancers oropharyngés, ni celui d’irritation et d’inflammation de l’arbre bronchique.
15 à 25% des fumeurs arrêteraient de fumer grâce à la e-cigarette selon les études, mais de nombreuses données sont biaisées. La e-cigarette n’est pas la panacée pour le sevrage tabagique. Si vapoter pour arrêter de fumer part d’une bonne intention, vapoter indéfiniment n’est pas souhaitable non plus en l’absence de recul. Nous conseillons aux vapoteurs de s’arrêter après deux ou trois ans de vapotage. Cela ne doit pas devenir un mode de vie.
*à l’occasion du congrès de la Société de Pneumologie de Langue Française (27-29/01/17)