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Et vous, ne seriez-vous pas un aidant ?

Le 6 octobre 2024 prochain, lors de la 15ᵉ édition de la Journée nationale des aidants, un thème essentiel sera mis à l’honneur : l’auto-reconnaissance des aidants. Une enquête du Collectif Je t’Aide révèle qu’un aidant sur trois ne se reconnaît pas comme tel, confirmant les résultats de nombreuses études. Participez aux prochaines Rencontres de Santé Respiratoire France, consacrées à la thématique des aidants, le 22 novembre à Paris ou en direct/replay sur la chaîne YouTube de l’association.

D’après le rapport 2024 du Collectif Je t’Aide, le mot “aidants” est connu de 88 % de la population et 45 % anticipent qu’ils seront un jour amenés à aider un proche. La société prend progressivement conscience du rôle des aidants. 

En France, en 2021, 9,3 millions de personnes déclarent apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie, que cette personne vive dans le même logement ou ailleurs. 

Encore 1 aidant sur 3 ne se reconnaît pas comme tel 

Néanmoins, 32 % des personnes concernées choisissent d’autres termes pour se définir (comme frère, fille, mère, etc.) et seulement 48 % des aidants utilisent ce terme pour expliquer leur situation à leur entourage.

« Bien que les réalités de l’aide soient diverses, un élément se retrouve fréquemment : les aidants ne s’identifient souvent pas d’emblée comme tels, confirme Laure Vezin, psychologue et responsable de la Plateforme d’accompagnement et de répit des aidants Sud 92 (Fondation Odilon Lannelongue, Vanves). Ils se perçoivent d’abord comme des membres de la famille, qu’il s’agisse d’un parent, d’un frère, d’une sœur ou d’un conjoint ». Selon elle, beaucoup estiment qu’« il est naturel » d’apporter son aide à un proche.

Vincent Valinducq, médecin généraliste a partagé son expérience en tant qu’aidant auprès de sa mère touchée par une maladie d’Alzheimer précoce, dans son livre « Je suis devenu le parent de mes parents » (Éditions Stock, 2023). « À l’époque,se souvient-il, j’avais des réticences à me définir comme aidant, mais aujourd’hui, je suis fier de ce rôle. J’ai souvent été réticent à parler de cette expérience, craignant de déranger les autres, mais c’était une erreur. Il faut oser en parler. »  Au tout début, « on ne sait pas vraiment qu’on est aidant, poursuit-il. L’une des difficultés des aidants est de comprendre qu’ils ont ce rôle. La première étape est de réaliser qu’on dépasse le simple statut de fils, mari ou parent d’un malade. Un jour, en écoutant la télévision, une journaliste a utilisé le terme “aidant”, et j’ai eu une révélation : c’est exactement ce que je vivais. À ce moment-là, j’ai compris que je n’étais pas seulement “le fils”, mais que j’avais un rôle spécifique. Bien que cela n’ait pas changé fondamentalement ce que je ressentais, cela a été un soulagement de mettre un nom sur quelque chose qui semblait tellement naturel et inévitable. Cela a aussi eu un effet déculpabilisant. Il est parfois difficile de ne pas se sentir coupable quand on pense qu’on ne fait pas assez. »

Intérioriser son rôle d’aidant prend du temps

Un délai important sépare souvent le début de la situation d’aidance et l’acceptation de ce rôle. Selon l’enquête du Collectif Je t’Aide, parmi les aidants qui se reconnaissent comme tels (68 %), 39 % l’ont réalisé dès le début de l’accompagnement, 34 % grâce à leur entourage et 20 % grâce aux professionnels de santé. « Bien que le terme “aidants” soit de plus en plus connu en France, les aidant.es qui se reconnaissent dans ce rôle ont encore du mal à parler de leur situation à leur entourage. Cela s’explique par une forme de pudeur, une volonté de préserver ce sujet dans le cercle familial, ou encore la crainte d’être stigmatisé », explique Corinne Benzekri, présidente du Collectif Je t’Aide.

Le Dr Hélène Rossinot, spécialiste en santé publique et experte sur la question des aidants précise : « Certains aidants vont se reconnaître presque immédiatement comme tels, car ils connaissent le terme. En revanche, ce processus est parfois plus compliqué. Nombreux sont ceux qui ne connaissent tout simplement pas le mot. Ensuite, il y a une autre catégorie d’aidants qui connaissent bien ce terme, mais qui refusent de l’appliquer à eux-mêmes : certains pensent qu’ils n’en font pas assez pour mériter ce titre, ce que j’appelle le « syndrome de l’imposteur de l’aidant ». D’autres estiment que ce qu’ils font est simplement normal. Ceux-là peuvent même se sentir offensés par l’idée qu’on les qualifie d’aidants, un rôle inconcevable, répondant qu’ils sont simplement l’épouse, la mère, le fils… Les médecins ont un réel pouvoir dans ces deux situations. L’argument d’autorité s’avère efficace, notamment face au syndrome de l’imposteur. »

Des dispositifs de soutien trop méconnus 

Pour le Dr Rossinot, « un point essentiel dans ce processus est la prise de conscience, puis l’acceptation de ce rôle d’aidant. Si le médecin intervient rapidement en déstigmatisant la notion de répit, cela aide grandement à normaliser la situation, à réduire la culpabilité associée, et à faire que l’aidant se tourne vers les aides extérieures. » 

Pour autant, les dispositifs dédiés aux aidants restent largement méconnus. Si 61% des aidants ont entendu parler des associations d’aidants, les formations pour aidants (51 %), les solutions de répit (48 %) et les plateformes de répit (36 %) sont encore trop peu connues. Par ailleurs, 55 % des aidants ont entendu parler du congé de proche aidant, instauré en 2017 et indemnisé depuis 2020. 

Le « burn out » de l’aidant 

Si les aidants ne se reconnaissent pas comme tels, comment peuvent-ils accéder aux solutions qui leur sont destinées et éviter ainsi l’épuisement ? Car le risque d’un véritable épuisement physique et psychologique est bien réel. En effet, 40 % des aidants déclarent souffrir de fatigue mentale et émotionnelle dans l’enquête du Collectif Je t’Aide, tandis que 33 % évoquent la fatigue physique comme principale difficulté liée à leur rôle.

« Ces situations d’épuisement sont complexes à anticiper ou à prévenir, surtout si l’aidant est seul à prodiguer l’aide attendue. S’il n’a pas d’entourage bienveillant, de tiers extérieur de confiance, l’aidant peut se retrouver dans un contexte où il n’a aucun espace pour prendre du recul, pour exprimer ses émotions, pour libérer ses tensions », décrit Laure Vezin.  

Ce vécu s’accompagne souvent d’un sentiment de culpabilité. « En effet, ce sentiment vient remettre en question la perception de ses capacités, indique la psychologue. L’aidant se reproche de ne plus réussir à tout gérer, alors qu’au départ il y parvenait. Il finit par penser que c’est de sa faute, alors que c’est en réalité la relation d’aide qui a pris une ampleur inattendue. Dans certains cas, l’aidant peut également perdre de vue les raisons initiales qui le motivaient à aider. Les aspects positifs, comme le désir de protéger son proche ou de lui témoigner son amour, peuvent s’effacer peu à peu. C’est à ce niveau que l’on peut parler de burn-out de l’aidant, similaire d’ailleurs – sur certains points – au burn-out professionnel : un épuisement associé à une perte de sens dans l’aide que l’on apporte, une diminution de l’investissement personnel, et un sentiment de culpabilité. On retrouve d’autant plus ce vécu quand le proche aidé ne peut plus formuler de retour positif sur l’aide que lui apporte son aidant. »

Les dispositifs de soutien et d’accompagnement des aidants sont essentiels, car ils offrent un espace compréhensif, un soutien neutre et spécialisé, extérieur à la relation d’aide, permettant d’explorer le champ des « possibles ». Ce soutien, qu’il soit psychologique ou destiné à alléger la charge objective de l’aidant, doit être fourni par des structures spécialisées dans la relation d’aide.

Références : 

– Interviews de Laure Vezin, psychologue, de Vincent Valinducq et d’Hélène Rossinot (septembre 24) ;

– Hélène Rossinot « Prendre soin des aidants. Le premier mode d’emploi pour les professionnels de santé et de l’accompagnement » Octobre 2024 | 192 pages. ISBN : 978-2-311-66120-0 ;

– Baromètre réalisé sur internet par BVA Xsight, auprès d’un échantillon de 1005 français, dont 257 aidant.es, complété d’un sur-échantillon de 204 aidants (soit au total 461 aidants) du 11 au 18 juin 2024 ;

– Rapport Drees février 2023 n° 1255. 

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