C’est un phénomène que les médecins, en particulier pneumologues et allergologues, connaissent bien : à chaque rentrée des classes, au cours des deux premières semaines de cours, se produit un pic des recours aux soins d’urgence pour asthme chez les enfants et adolescents. Cette recrudescence des crises d’asthme est due à une plus grande circulation des virus lors de la reprise de la vie en collectivité, à l’exposition aux allergènes à l’école, mais aussi au relâchement des enfants pendant les vacances estivales vis-à-vis de la prise de leur traitement. Explications et règles pour anticiper toute détérioration de l’asthme de son enfant à la rentrée.
Chaque rentrée scolaire, les autorités sanitaires (Santé publique France) constatent le même phénomène : au cours des deux premières semaines de classe, elles observent un pic des recours médicaux pour asthme chez les enfants et adolescents de moins de 15 ans (passages aux urgences et chez SOS Médecins). Dans son premier point hebdomadaire du 22 août 2023 (1), Santé publique France observait un léger frémissement dans la zone Océan Indien, et le calme avant la tempête sur le territoire national. L’an dernier, en 2022, entre la semaine 35 (à partir du 29 août) et la semaine 36 (à partir du 5 septembre), les hausses étaient respectivement de + 82 % (pour SOS médecins), de + 169 % (pour les urgences) et de + 33 % (pour le nombre d’hospitalisations). Ces données sont similaires à celles des 3 années précédentes (2).
Recrudescence des infections virales respiratoires liée à la vie en collectivité
Plusieurs explications sont avancées pour comprendre ce phénomène récurrent, dont la recrudescence des épisodes d’infections virales respiratoires lors de la reprise de la vie en collectivité après les vacances scolaires d’été. En effet, les exacerbations de l’asthme provoquées par des virus sont surtout causées par une espèce de virus – les rhinovirus – qui circulent toute l’année mais encore plus en automne et en hiver. Ceux-ci peuvent être à l’origine d’épidémies lors du retour en collectivité.
L’été, l’observance est en vacances
Les médecins ne sont pas dupes : l’été, les enfants ont tendance à moins bien prendre leur traitement de fond. On dit alors que l’observance thérapeutique est moins bonne. Le traitement de fond est celui qui se prend régulièrement tout au long de l’année – corticoïdes inhalés seuls ou en association avec les bronchodilatateurs de longue durée d’action -, à différencier du traitement de crise. Par conséquent, l’asthme peut se déséquilibrer et les crises d’asthme peuvent survenir dès que des facteurs favorisants se manifestent, comme les virus et les allergènes.
Le Dr Flore Amat, pneumopédiatre allergologue et médecin coordonnateur de l’École de l’asthme Zéphyr (Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris) le concède : « Avertis, nous préférons alors négocier avec l’enfant et, si cela est possible, envisager avec lui et ses parents un allègement du traitement de fond durant l’été. En juillet-août, la faible circulation virale et le temps sec limitent le risque de crise d’asthme. Nous pouvons nous permettre de réduire la posologie des traitements de fond, voire de les suspendre. Mais à la condition de le reprendre une quinzaine de jours avant la rentrée ». Sans surprise, certains l’oublient ou s’abstiennent, d’où les crises d’asthme plus nombreuses constatées à la rentrée.
Une plus forte exposition aux allergènes lors du retour à l’école
« L’asthme, première maladie chronique de l’enfant, a une prévalence estimée entre 8 et 10 % chez l’enfant et l’adolescent, souligne le Dr Frédéric le Guillou, pneumologue et président de Santé respiratoire France. Or, 90 % des enfants asthmatiques sont allergiques. Le nombre d’enfants asthmatiques concernés par les allergènes est donc considérable. » Car l’autre explication au pic de crises d’asthme de la rentrée scolaire a trait à l’exposition aux allergènes, notamment aux acariens. « Car si les acariens se rencontrent tout au long de l’année, leurs pics de reproduction surviennent essentiellement en saison humide (mars-avril et septembre-octobre-novembre), ajoute le Dr Flore Amat, d’où un risque de rechute à la rentrée chez les enfants asthmatiques allergiques aux acariens. Chez eux, la présence éventuelle de signes de rhinite allergique non maîtrisée doit être évaluée, comme un encombrement nasal permanent, un écoulement de sécrétions par le nez (rhinorrhées)… ».
Le stress de la rentrée
Enfin, au rang des explications probables de ce pic de crises d’asthme figure également « le stress et l’anxiété générés par le contexte scolaire et la réorganisation du rythme de vie », indique Flore Amat. « Ils génèrent une inflammation et donc les symptômes d’asthme », complète le Dr Le Guillou.
Pensez au check-up de rentrée chez l’enfant asthmatique
👉 L’idéal est de prévoir une consultation chez le pneumologue et/ou l’allergologue à la rentrée pour l’enfant et l’adolescent asthmatiques. C’est l’occasion de vérifier le bon contrôle de l’asthme et de réviser le traitement de fond si besoin.
« Si le traitement de fond a été suspendu durant l’été, c’est alors l’opportunité de le prescrire à nouveau ou de le modifier, conseille Flore Amat, si par exemple la posologie de certains médicaments (corticoïdes inhalés, par exemple) n’a pas suffi à supprimer les crises l’année précédente. Se référer aux rentrées et aux hivers précédents est instructif pour adapter le schéma thérapeutique. Le contrôle plus ou moins bon des symptômes au cours de l’été qui vient de se terminer, malgré le traitement, est un argument pour le renforcer pour aborder l’automne-hiver ».
👉 Il ne faut pas négliger les facteurs qui peuvent aggraver le mauvais contrôle de l’asthme et les traiter (rhinite allergique, moisissures au domicile, acariens…). La consultation de rentrée constitue aussi l’opportunité de réaliser une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR), dont la fréquence dépend du niveau de contrôle de l’asthme ou du changement du traitement de fond.
L’avis du Dr Madiha Ellaffi, pneumologue (Albi)
« Lorsque l’enfant vit habituellement des étés plutôt calmes, sans allergies saisonnières estivales à certains pollens ou moisissures (Alternaria, certaines herbacées…) qui nécessitent de maintenir un traitement de fond, on sait pertinemment que l’observance laissera souvent à désirer. Il vaut alors mieux « négocier » une pause estivale du traitement de fond lorsque celui-ci n’est pas très lourd ou l’asthme léger à modéré, tout en insistant sur la reprise du traitement de fond en amont de la rentrée scolaire.
De plus, l’enfant et/ou ses parents doivent connaître la conduite à tenir en cas de crise d’asthme. Il est aussi possible que le médecin renforce le traitement pour passer ce cap. En effet, cette période est propice aux exacerbations d’asthme à cause du stress, du retour des élèves dans des classes confinées, des polluants libérés par les grands ménages de rentrée des établissements scolaires (libération de composés organiques volatiles notamment, irritants pour les voies respiratoires), et du manque d’aération des classes qui favorise la propagation de virus pouvant être source de décompensation de l’asthme.
Les parents doivent savoir qu’il est important de déceler les premiers symptômes (sifflements, toux, bronchite, gorge et nez qui grattent…), afin d’enrayer une crise d’asthme. Le lavage de nez, le traitement de la rhinite allergique (laquelle peut exacerber un asthme), et les bonnes habitudes à domicile contre les acariens et les moisissures (aspiration, aération, etc.) doivent être reprises à la rentrée. »
Références :
(1) Surveillance sanitaire de l’asthme – Rentrée scolaire 2023.
(2) Surveillance sanitaire de l’asthme – Rentrée scolaire 2022. Point hebdomadaire du 13 septembre 2022.
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